Au synode EPUdF, nous n'étions ni progressistes ni conservateurs, ni unanimes

19/05/2015 13:36

Statut Facebook reproduit avec l'aimable autorisation de son auteur, Robert Philipoussi. Les titres, sous-titres et mises en exergue sont d'UEPAL en débat.

 

Comment j'en suis venu à voter oui

Au synode, nous n'étions pas progressistes ni conservateurs. Déjà, nous étions les représentants d'une Eglise qui a considéré, par la voie d'élections mais aussi par le truchement d'une forme de confiance, que nous l'étions. Contrairement à ce qui a été lu et écrit, nous n'étions pas unanimes, ni au départ, ni à la clôture. Cependant, tous et chacun ont évolué par l'intermédiaire de rapporteurs qui ont non seulement écouté, mais qui ont évolué aussi. Ils se sont fait la voix du synode.

Je n'ai pas voté oui parce que c'était fatal. J'ai voté la résolution après avoir participé, avec d'autres, pour que ce qui a été dit ne soit pas n"importe quoi. Il se trouve que notre Eglise est une Eglise de communion plus que de conviction globale et linéaire. Et deux options sèches "oui" ou "non", auraient à coup sur brisé cette particularité. La décision prise est un retour vers la responsabilité des Eglises locales. Sans cet "abaissement", j'aurais à coup sûr voté non.

De la bénédiction dans l'amour

Certes, il y aura des différences de pratiques entre Eglises, mais le fait est qu'il y en a déjà, et non des moindres. D'autre part, je considère que l'amour entre deux personnes dont chacune est l'élue de l'autre, pour vivre ensemble dans les affres et les bonheurs de ces deux existences, est la première des bénédictions. La liturgie vient comme une re-dite gracieuse de cette première bénédiction. Je ne peux pas disconvenir qu'il peut exister de l'amour et de la promesse entre deux personnes, fussent-elles de même sexe. Si bien que selon moi, pour révéler cette première bénédiction, la bénédiction liturgique est nécessaire. Avec la même force qu'une prédication quand elle re-dit (et donc re-fait) un évangile qui sans cette parole, aurait pu rester inconnu.

Le synode a ajouté le mot "civil" après le mot "mariage" qui peut précéder la bénédiction liturgique. J'ai regretté cet ajout (bien qu'il maintienne notre solidarité avec la coutume républicaine) car la bénédiction liturgique reste pour moi la bénédiction d'un mariage primordial, qui trouve (en France) une forme de publication au travers cette union civile et qui devient parfaitement signifiant lors de la bénédiction liturgique. Celle-ci révèle la bonne nouvelle de la "philia" pratiquée entre personnes qui se sont choisies.

Certains, dans de nombreux blogs et messages, nous accusent d'être des apostats, des gnostiques, des démoniaques. Nous n'avons fait que considérer une réalité : la lecture littéraliste de la Bible est impossible, parce que cette Bible est trop diverse. Ne sont donc possibles que des choix, au nom de présupposés plus larges. Par exemple celui-ci qui remarque que Jésus a accueilli et rétabli dans leur dignité des personnes rejetées à cause de leur comportement ou de leur statut. C'est un présupposé qui entraine plus de sédiments bibliques que le procédé d'extractions de textes législatifs, mais : ce n'est pas non plus la vérité. C'est un choix collectif, pour et d'une Eglise diverse.

Nous pourrions beaucoup perdre avec ce choix. Certains disent que la Fédération Protestante de France va se disloquer. Déjà, en interne des trésoriers ont menacé de ne plus payer la contribution.

Mais le risque à mon sens plus grand aurait été de renoncer à offrir une bénédiction, non pas aux homosexuels, mais à des couples engagés et élus l'un de l'autre, confiant leur vie à Dieu. Le risque était de refuser la bénédiction à des personnes qui dès lors auraient été laissées dans la situation de vivre alterées à cause d'un sentiment violent et adverse d'avoir raison contre ce qu'ils sont.

Un synode vécu dans l'intelligence et la prière

J'ai énormément apprécié ce synode, vécu dans l'intelligence et la prière, où les débats ont été vifs mais très respectueux et je reste fier de mon Eglise qui a annoncé l'Evangile, à contre courant, non pas peut-être- et je n'en suis pas certain - de la "tendance sociétale", mais à coup sûr à contre-courant d'une partie d'elle-même, persuadée que ses lectures diverses n'en font qu'une. Qui s'autorise donc de savoir que refuser la bénédiction pour deux personnes qui s'aiment, s'engagent l'une pour l'autre et avec Dieu est une chose bonne. Que ce refus est évangélique.

Ce qui m'a paru très clair, en supplément de ce synode est qu'il est temps désormais de refonder une théologie cohérente du mariage. Personnellement, je ne suis pas loin d'en faire un sacrement (sans la casuistique catholique et avec le droit à la séparation évidemment). Pourquoi ? Parce que je vois ce sacrement s'opérer devant mes yeux à chaque fois que j'entends et voit des mariés se dire leurs promesses publiquement. D'où pour moi l'importance de cette autorisation, de cette "ouverture de possibilité".

 

Robert Philipoussi

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