20 raisons qui me font dire oui (René Lamey)

11/05/2015 17:14

17 avril 2014, 14:12

Ce texte reproduit une intervention faite lors de la soirée-débat à Ingwiller, le 27/03/2014


 


Introduction


René Lamey, pasteur, thérapeute conjugal (accompagnement de couples en difficulté, quel que soit leur orientation sexuelle), marié, père de trois enfants, et, je le précise tout de suite, vu le sujet épineux en arrière-plan de cette soirée, je suis hétérosexuel ; je veux dire par là que je ne viens pas pour défendre une cause ni pour vous convaincre de ce qui serait la « vérité véritablement vraie » sur l’hétérosexualité ou l’homosexualité ; s’il fallait défendre quelque chose, ce serait le respect de la vie de l’autre, et pour faire un jeu de mots facile, le respect de l’avis de l’autre.


Cela fait des années que je travaille sur le sujet de l’homosexualité et de son éventuelle bénédiction, j’ai fait partie de différentes groupes de réflexion au sein de différentes familles d’églises, c’est-à-dire évangéliques et protestantes.


Et je crois effectivement qu’il faut des années de réflexion, de lectures, de rencontres pour arriver à se forger une conviction, notamment sur un sujet aussi délicat et aussi personnel que celui que nous traitons (ou effleurons) ce soir.


Avant d’entrer dans le vif du sujet, quelques petites pensées préalables :


 


1.  Parabole de l’éléphant et des aveugles


Il était une fois six aveugles qui vivaient dans un village en Inde. Un jour, les habitants du village leur dirent : "Hé ! il y a un éléphant qui se promène dans le village."


Les six aveugles n’avaient aucune idée de ce qu’était un éléphant. Tous allèrent donc là où il se trouvait et  chacun le toucha.


"  Hé ! L'éléphant est un pilier " dit le premier, en touchant sa jambe.


"  Oh, non ! C’est comme une corde, dit le second, en touchant sa queue.


"  Oh, non ! C’est comme la branche épaisse d’un arbre " dit le troisième, en touchant sa trompe.


"  C’est comme un grand éventail " dit le quatrième, en touchant son oreille.


"  C’est comme un mur énorme " dit le cinquième, en touchant son ventre.


"  C’est comme une grosse lance " dit le sixième, en touchant sa défense pointue.


Et ils commencèrent à se disputer, chacun voulait convaincre l’autre de sa vérité. Sans savoir que tous avaient tort et raison à la fois et qu’il y avait une part de vérité et d’erreur dans chacun des témoignages.


 


2. Parabole de la grenouille au fond du puits


Un jour, un têtard tomba au fond d’un puits. Il grandit là et devint une belle grenouille. Souvent, elle levait la tête, et elle se disait : le ciel est beau, mais il est rond et petit ; et la nuit, il n’y a que dix-sept étoiles qui brillent au-dessus de ma tête… Elle n’avait qu’une vision limitée de ce qu’était le ciel et la vie et le monde, une vision de la taille de l’ouverture du puits. Il en est souvent de même pour nous, nos idées, nos convictions ont la taille de l’ouverture de notre esprit…


 


3. Image illusion d’optique


Moralité : nous lisons et interprétons les événements, le journal, la Bible, le comportement des gens, leur choix de vie, au travers des lunettes de notre vie, au travers de l’éducation que nous avons reçue, au travers de ce que nous avons entendu et vu dans nos familles, chez les voisins, à l’école, à l’église, au travers des bonnes ou mauvaises rencontres de la vie... (ex. Bauer et curé)


 


4. Mes raisons pour bénir un couple marié de même sexe


Et maintenant, voici les vingt raisons pour lesquelles, si l’Église le permettait, je bénirais un couple marié de même sexe. (Accrochez-vous et écoutez bien, notez les raisons qui vous paraissent nouvelles et intéressantes ! Et vous ferez la même chose avec ce que dira Stéphane [Kakouridis invité lui aussi à ce débat, lui pour défendre son opposition, NDLR]).


 


Je bénirai un couple marié de même sexe…


1) Parce que la bénédiction ne nous appartient pas, nous ne pouvons pas nous l’approprier, nous ne pouvons que la donner ou la recevoir.


2) Parce que la bénédiction est un don de Dieu et non pas la propriété d’une église ou d’un groupe.


3) Parce que la bénédiction n’est pas une approbation morale de la vie des gens que nous bénissons, ce n’est pas une façon de dire : « ce que vous faites est bien » - la bénédiction n’est pas conditionnée à un choix de vie particulier (sinon, on ne bénirait plus personne) ; bénir signifie simplement que Dieu nous veut du bien. Bénir au nom de Dieu, c’est une façon de dire que nous sommes tous au bénéfice de la grâce d’un Dieu solidaire qui nous accompagne sur tous nos chemins humains.


4) Parce que, en ouvrant les pages millénaires de la Genèse, ce n’est pas Adam et Eve qui sont bénis en tant que modèle du couple, mais par eux et pour eux, c’est la vie qui est bénie, c’est la fécondité qui est bénie dans son foisonnement joyeux et festif –


et par « fécondité », je n’entends pas seulement la fécondité via la différence sexuelle, sinon les personnes stériles et célibataires seraient injustement exclues de la bénédiction – on peut être fécond de plusieurs manières, on peut donner la vie de plusieurs façons…


5) Parce que ce qui est aussi béni au travers du couple originel, c’est la qualité de la relation (dans le sens de vis-à-vis égaux et solidaires) et non une forme particulière de couple et de famille (celle du Moyen-Orient en l’occurrence), ce qui est béni, c'est la qualité du dialogue, l'engagement, la confiance, le respect, le partenariat bien plus – et bien plus important – que le genre du ou de la partenaire.


6) Parce que, dans le fond, le mariage, c’est d’abord et avant tout la célébration d’une alliance, une alliance solidaire et respectueuse entre deux personnes, quelque soit leur orientation sexuelle, une alliance diversement illustrée dans la Bible par de nombreux dialogues amoureux entre Dieu et son peuple, l’époux et l’épouse, Jésus et l’Église.


7) Parce que devant Dieu, « il n’y a plus ni juif, ni grec, ni homme, ni femme », mais des enfants de Dieu, aimés de la même manière, quels que soient leur race, leur statut social, leur identité sexuelle,


=> Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas de différence sociale, anthropologique et sexuelle, mais cela signifie que ces différences ne nous séparent pas de Dieu, qu’il n’y a pas de privilège aux yeux de Dieu à être homme ou femme, juif ou grec, homosexuel ou hétérosexuel.


8) Parce que sous le regard de Dieu, la vie partagée à deux s’enrichit de nombreuses différences, bien au-delà de la seule différence sexuelle.


9) Parce que la vie à deux a déjà son sens en elle-même et que la sexualité est un don dont le but n’est pas seulement la procréation ou un projet parental.


10) Parce que les seules normes de l’acte sexuel sont l’écoute, l’amour, la tendresse, le respect de l’autre et de soi-même.


11) Parce que l’Église « ne marie pas », mais accompagne et bénit un couple déjà marié civilement, pour qu’il s’engage, rende un témoignage public et qu’il dise sa reconnaissance de l’amour reçu et partagé.


12) Parce que la justification par la foi vaut pour tous, indépendamment de la sexualité et que l’identité du croyant se situe en Dieu et dans sa foi et non dans une identification sexuelle particulière.


13) Parce que « couple de même sexe » n’est pas le refus de l’altérité (de la différence). Certes la différence des sexes est fondatrice; mais l’altérité, c’est bien autre chose, cela concerne tout le fonctionnement psychique de l’autre, qui nous est radicalement opaque. Bien plus, par ex., la psychanalyse est fondée sur l’idée que nous sommes tous étrangers à nous-mêmes, avec un inconscient qui nous conduit, et auquel nous n’avons pas accès. Ainsi l’autre est au fond de nous-mêmes, cette partie de nous-mêmes qui nous échappe, qui nous mène mystérieusement, à notre insu. Dans cette perspective, aucun humain ne peut se soustraire à l’altérité.


Même dans un couple de même sexe, il y aura de l’altérité.


14) Parce que je crois à une conception de l'homme fondée sur l'acceptation. Pour cette approche, chaque être humain, quelque soit son genre, son orientation sexuelle, son origine ethnique, sociale, religieuse, culturelle… chaque être humain est accepté et appelé par Dieu à accomplir sa dignité humaine.


15) Parce que la Bible n’est pas un code de morale fixée pour toujours et pour tous. La Bible est l’œuvre de deux communautés historiques : l’ancien Israël et l’église primitive. La Bible contient leur histoire avec Dieu ou sur Dieu, leurs prières, leur louange, leurs perceptions de la condition humaine, leurs pratiques religieuses et éthiques, leur compréhension de que la fidélité à Dieu implique. En tant qu’œuvre humaine, la Bible ne contient pas la « vérité absolue et ultime » mais elle est conditionnée par le langage et les concepts éthiques des cultures dans lesquelles elle a pris forme. Les lois de la Bible ne sont pas à prendre comme les lois de Dieu pour tous et pour tous les temps, mais comme des lois et des enseignements éthiques de ces communautés, à telle époque, dans tel contexte, des lois qu’il nous faut adapter à notre contexte ou aux nouvelles découvertes de la science, notamment, nous concernant ce soir, sur le plan de la génétique.


16) Parce que l’humanité n’a cessé d’inventer de nouvelles formes de mariage et de descendance. Aucune des sociétés qui ont accepté ces évolutions ne s’est effondrée.  Si j’avais le temps, je vous lirais un florilège de différentes formes de conjugalité pratiquées aujourd’hui dans certaines peuplades de notre monde – juste pour montrer que nous n’avons rien inventé et que notre forme de conjugalité n’est certainement ni pire ni meilleure, mais qu’elle est juste un exemple parmi d’autres et une production de notre civilisation occidentale et judéo-chrétienne.


17) Parce que, en tant que pasteur, j’ai devant moi deux personnes, un couple comme un autre, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres, avec les mêmes bonheurs et les mêmes malheurs que les autres, avec les mêmes disputes avec les mêmes problèmes de communication que les autres.


18) Parce que si j’étais homosexuel – je peux dire : si vous étiez homosexuel ? – et protestant et croyant, je souhaiterais, comme les autres, être béni par Dieu au travers de mon pasteur et dans mon église.


19) Parce que si l’un de mes enfants était homosexuel – je peux dire : si l’un de vos enfants était homosexuel ? – je voudrais le meilleur pour lui, ce qui inclut certainement la demande de bénédiction par son pasteur et dans son église.


20) Parce qu’une personne homosexuelle est une personne comme vous et moi, à la différence que son orientation sexuelle est autre, ni meilleure ni pire que la mienne.


 


Merci pour votre attention !


 


 


 

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