Bénissez, ne maudissez pas (Michel Guerrier)

11/05/2015 16:59

 

Bénissez et ne maudissez pas (de Michel Guerrier, pasteur retraité, Sarreguemines)

 

 

 

Derrière l’âpre discussion sur la bénédiction accordée ou non aux couples homos, il y a certains éléments dont nous n’avons peut-être pas tenu compte suffisamment :

 

Une histoire terrible.

 

On a publié il y a trois ans une, histoire des procès de sorcière en Alsace, bien documentée. Jusqu’à la fin du 17ème siècle dans d’autres régions d’Allemagne du Sud jusque vers fin du 18 ème siècle on a allègrement brûlé tant et tant d’hommes et femmes sous prétexte de sorcellerie, de homosexualité, de rapports avec les bêtes . Pas seulement dans des régions bien catholiques mais aussi dans des bourgs bien protestants comme Diemeringen ou Bouxwiller. C’est à la lumière de ces horreurs,  la plupart du tout ignorées ou refoulées mais  présentes comme des fantômes dans notre subconscient régional que nous  devrons aborder cette discussion. En y ajoutant une des dernières péripéties celle du traitement de rééducation infligé dans des camps nationaux – socialistes, à Schirmeck aussi, dont nous connaissons l’inhumanité. Certes, nous ne  pouvons porter tout  le poids des  turpitudes de l’histoire. Mais quand même, nous ne pourrons aborder la question qu’en ayant ces faits à l’esprit.

 

 Parler avec les homos au lieu de discourir sur eux

 

Au vu de ce passé il faut impérativement  entrer en dialogue avec les premiers intéressés et au besoin leurs descendants. Pas discuter sur eux et mais discuter avec eux de leur mode vie intime, de leur façon de s’aimer  et leur foi, discuter les yeux dans yeux. Si d’emblée ils sentent une incompréhension, ou une histoire passée non digérée, ils se refuseront à cette confrontation. Là se place l’effort des conseils prebytéraaux et des directions d’église pour entrer en dialogue avec  eux.  Si cet effort de rapprochement se fait aussi de la part des cercles homo, - cet effort demandé est beaucoup plus grand de leur part que des autres- ouvertement  et sincèrement alors  le discours  des croyants changera. On ne pourra jamais dénier à des hommes ou à des femmes qui déclarent sincèrement s’aimer leur honnêteté. Ils veulent  en remercier Dieu. Je parle pour eux. Il serait bien  mieux, cent fois mieux qu’ils le disent à ma place ! Cet amour est si précieux qu’il ne peut avoir sa source qu’en lui, Dieu qui est le meilleur. L’église qui le représente tant bien que mal pourra-t-elle leur refuser de dire publiquement que c’est bien, très bien ce qu’ils font là, c'est-à-dire de les bénir ?

 

Mais le bon Dieu ne serait-il pas contre ?

 

C’est vrai dans sa parole révélée il y a bien des passages qui condamnent violemment l’homosexualité,  pas seulement elle, d’ailleurs  mais aussi d’autres ennemis avec d’autres condamnations dont personnes plus ne peut approuver les termes :  «  Un magicien, tu ne le laisseras pas vivre, qui couche avec un bête sera mis à mort,  tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme, quiconque pratiquera une des ces abominations sera retranché du sein de son peuple, dehors les chiens  et les païens ! » … Arrêtons le massacre, ne remuons pas le couteau dans les plaies de ceux des homos qui liront ce texte. Il faut le dire haut et fort : Nous faisons un tri dans les textes bibliques, surtout ceux qui sont particulièrement violents. Et les autres. Ces autres qui émergent et qui restent et qui illuminent, les autres, ce sont qui annoncent le Christ, ceux qui révèlent le Christ et ceux qui le prolongent à la dimension au ciel. Il y a là une autre fidélité que la fidélité à un  livre. qui par ailleurs contient pas mal d’archéologie intéressante au point de vue anthropologique certes mais pas tout à fait au cœur des choses.

 

Ah ! l’anthropologie  combien de fois entendons-nous ce mot, appliqué au récit d’Adam et d’Eve : l’union homo ne serait pas fidèle à cette primordiale anthropologie. Mais on oublie qu’en Adam et Eve il y a une humanité certes dissemblable mais néanmoins foncièrement une, la différence des sexes n’atteignant pas leur commune humanité à l’image d’un Dieu unique. Et soyons prudents en invoquons la détestation, oh combien fondée  par ailleurs, de la grâce trop galvaudée, d’une  grâce au rabais de Bonhoeffer,  de ce Bonhoeffer qui  par ailleurs  était un ferme opposant à toutes ces voix qui voulaient faire des  réelles différences humaines, sexuelles,  raciales ou autres, des ségrégations. A propos de Bonhoeffer découvrant dans sa prison toute l’étendue d’un monde sécularisée se développant en marge des églises  aveugles à cette évolution, tenons-nous compte de cette nouveauté fondamentale dans l’histoire de l’humanité qu’est l’invention de la pilule et des autres moyens de contraception ?

 

Du jamais vu dans notre monde

 

Cette invention celle de la pilule est aussi grande que sans doute l’invention du feu. Elle n’est pas à mettre au compte d’une perversion de l’intelligence  humaine, tout au contraire. C’est son  beau fruit. Mais avec elle, il y a maintenant un divorce entre plaisir et fécondité, couple merveilleux  et infernal qui dominait l’histoire des  familles et des tribus.  Amour et procréation se scindent, les querelles faites aux homos éclatent comme des coquilles vides.

 

Il est  vrai que de nouvelles, lancinantes et inquiétantes questions apparaissent : nombre d’enfants, familles éclatées et recomposées, rôle de la jalousie - ingrédient jusqu’à maintenant indispensable à la tragicomédie humaine, manipulations génétiques encore bien troubles, questions de fin de vie … L’avenir fait  peur. Mais reviendrons - nous en arrière ? Jamais - à moins d’établir des régimes politiques répressifs qui s’esquissent parfois, momentanément, on l’espère, dans des cultures islamiques, ou … à majorité chrétienne - voir l’Ouganda avec ses peines de prison à vie pour les homos ! Le rôle des chrétiens sera, au fur et à mesure que les problèmes apparaîtront dans le climat d’avancement des sciences et d’éclatement de notre morale ancienne dont je suis moi-même aussi l’héritier, que nous cherchions des solutions pour vivre  au clair avec nous-mêmes,  au mieux avec nos semblables, dans la solidarité d’une humanité une, dans la justice  et le partage. L’amour, merveilleux, à juste titre vécu comme  divin, en sus.

 

L’inquiétude du peintre devant la toile nue. Chrétiens catholiques ou protestants, inquiets, soucieux de préserver les fragiles ententes œcuméniques, rappelons-nous que notre foi inclue  une force de continuité à partir du passé de même qu’une force de création pour l’avenir. C’est le Saint-Esprit. Que croyons-nous en fait quand nous prions : Viens Saint Esprit, Dieu créateur ? Ne cessons pas de faire confiance à ce bricoleur de génie en entrant avec les donnés de notre temps dans son atelier d’imagination et d’invention, de surcharges, de ratures, de retours en arrière … et d’avancées. Personne ne connaît l’avenir proche. On s’inquiète du brouillard sur la route. Mais avec la foi nous  faisons un saut dans  ce qu’on ne sait pas encore,  avec tout de même l’assurance d’une  lumineuse Jérusalem au bout, avec son fleuve d’eau vive et son un arbre de vie  dont le feuillage sert à la guérison des nations. Aussi de la nation homo en souffrance, et aussi de celle de leurs contradicteurs en émoi.            M.G.                                                                                          

 

 

 

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