Pasteur refusé à cause de son eczéma chronique : scandale dans l'UEPAL (Jürgen Grauling)

Scandale dans le protestantisme : le Sola Scriptura déraille

Le Conseil Presbytéral de Fachhouse* (nom modifié) en Alsace a envoyé début mars un courrier à la direction de l’Eglise Protestante régionale pour demander la suspension de son pasteur, arrivé seulement en septembre dernier. Il écrit : « Le pasteur … est inapte à exercer sa fonction, étant donné qu’il souffre d’une maladie de peau chronique qui doit être apparentée à la "Tzaarat", décrite par le chapitre 13 du Lévitique, et souvent rendue improprement par de nombreuses traductions bibliques par le mot lèpre. En tant qu’instance ayant la charge spirituelle et matérielle de la paroisse, le Conseil Presbytéral a d’ores et déjà interdit l’accès de l’église et des locaux paroissiaux au pasteur et urge le Directoire de suspendre Monsieur … jusqu’à sa guérison complète dûment constatée. »

Ledit Directoire, après avoir exprimé sa stupéfaction, est entré en relation avec la paroisse et a même fini par charger un docteur d’Ancien Testament de la Faculté de Strasbourg de rédiger un mémoire sur la question, dans l’espoir de raisonner les Conseillers de Fachhouse. Ayant examiné le pasteur de Fachhouse, il écrit : « Les lésions présentées par le pasteur … ressemblent effectivement à celles décrites par le Lévitique et qui y sont appelées Tzaarat. Néanmoins, je ne saurais conseiller au Directoire d’obtempérer à la demande de suspension formulée par le CP de Fachhouse. En effet, la mention des Tzaarat est tout à fait marginale dans le corpus biblique. Il paraît évident qu’il s’agissait d’une mesure prophylactique ayant pour but d’éviter la contagion des communautés rurales par une maladie handicapante, la lèpre. Dans le doute, toute personne présentant une affection dermatologique ressemblant de près ou de loin à celle-ci était mise au ban de la société. […] Or, le pasteur … bénéficie d’un certificat médical diagnostiquant une dermatite bénigne sans la moindre contagiosité. »

Le Conseil Presbytéral, cependant, oppose une fin de non-recevoir au mémoire. Selon lui, le fait que le Lévitique consacre plusieurs chapitres aux Tzaarat montrerait leur importance aux yeux de Dieu. On ne saurait parler d’une simple mesure hygiénique ; il s’agirait au contraire d’impureté spirituelle. Par ailleurs, il serait tout à fait évident que Jésus lui-même ne mettait nullement en cause la législation du Premier Testament sur ce point, puisqu’il renvoyait systématiquement les lépreux qu’il avait guéris vers les prêtres pour effectuer les rituels de purification prescrits par la loi mosaïque. Pour les Conseillers Presbytéraux, les prescriptions bibliques devraient s’appliquer sans exception pour ne pas diluer le principe réformateur du Sola Scriptura. Quant au pasteur, ils l’invitent à prendre son mal en patience, à implorer la miséricorde du Seigneur et à se souvenir que la porte vers le royaume est étroite.

Bien que ne souscrivant en aucune façon à l’argumentation du Conseil Presbytéral, le Directoire aurait - aux dernières nouvelles - proposé une mutation au pasteur …, afin d’éviter que le conflit ne s’envenime. En effet, la paroisse de Fachhouse aurait laissé planer la menace de faire sécession de l’UEPAL, si elle n’obtenait pas satisfaction.

Cette histoire vous choque ? Rassurez-vous : elle est (presque) inventée de toute pièce ... et en même temps tout à fait authentique.

Presque inventée parce que l'UEPAL n'a jamais songé à renvoyer les pasteurs ayant un problème de peau, ni à Fachhouse ni ailleurs. Personne n'ignorerait les connaissances médicales actuelles, sous prétexte que la Bible serait inerrante, notamment lorsque l’Ancien et Nouveau Testament concordent.

En même temps, elle est authentique, parce que dès lors qu'il s'agit de refuser un-e pasteur-e homosexuel-le ou la bénédiction aux couples mariés de même sexe, des arguments du même type sont employés par certains chrétiens jusque dans nos paroisses.

Que quiconque à des oreilles, écoute ... !

Jürgen Grauling, pasteur